Le Château de Ferrette
 
Classé monument historique en 1842, le château de Ferrette est construit sur un piton rocheux qui culmine à 612 m d'altitude.

La fondation ou la restauration du château supérieur et du donjon carré sont attribués à Frédéric, fils de Louis IV comte de Montbéliard, qui eut en partage la partie de l'Alsace dépendant du comté de Montbéliard et mourut à Turin en 1091. Au retour d'un voyage qu'il fit à Rome en 1048 pour assister à l'intronisation de son parent la pape Léon IX (Bruno d'Eguisheim), le comte Frédéric, frère de Thierry 1er, fonda à Ferrette un prieuré de chanoines réguliers de Saint Augustin. Les premiers chanoines qui résidèrent au prieuré de Ferrette vinrent de l'hospice du mont Saint-Bernard où le comte avait reçu une brillante hospitalité lors de son voyage à Rome. Plus tard ce prieuré devint l'Eglise de Ferrette qui releva pendant longtemps de l'abbaye de Lucelle.

Il est possible, que Frédéric ne fit que restaurer une forteresse dont le noyau ou tout au moins la base avait été une tour d'observation bâtie par les Romains, pouvant communiquer avec les châteaux le long du Rhin, des Vosges et du Jura et protéger la voie militaire qui passait au-dessous de Ferrette.

En 1103 Frédéric 1er, hérite des terres d'Alsace supérieure, qui prirent plus tard le nom de comté de Ferrette. Ce dernier est confiné, vers le levant, par le Rhin et le territoire de Bâle; vers le sud, par les terres de l'évêché de Bâle et des comtés de Montbéliard et de Bourgogne et vers l'occident, par les Vosges et la Lorraine; du coté du Nord, c'est le cours de la Thur, qui sépare le Sundgau de la Haute Alsace, jusqu'au village de Staffelfelden, et depuis là une ligne à tirer sur Neuenburg.

Frédéric 1er fonda un prieuré de bénédictins ("Saint-Morand") prés d'Altkirch en 1105 et le monastère de Feldbach en 1144. Il meurt vers l'année 1168 et est inhumé dans le monastère d'Oelenberg, prés de Reiningen. Son fils Louis lui succède. Ce dernier part pour la Terre-Sainte au mois d'avril 1189, avec Henri de Horbourg, évêque de Bâle, et l'empereur Frédéric Barberousse. Ils périssent tous les trois dans cette croisade. Le fils de Louis, Frédéric II prend la relève. On attribue à ce dernier l'origine de la ville de Thann. Les magnifiques domaines dont jouissait le comte étaient devenus un objet de convoitise pour l'évêque de Bâle. Il s'en suivit des démêlés qui mirent les deux puissances en état d'hostilité ouverte en 1232. Frédéric II meurt assassiné en 1233. Louis son fils est accusé de parricide, alors que le deuxième fils Ulrich prend le pouvoir. Louis est excommunié, mis au ban, chassé du domaine paternel et condamné à subir pendant trente huit ans le supplice moral que faisait peser sur lui une accusation injuste. Il meurt sans voir son nom réhabilité. Cette réhabilitation a tardé six siècles. Un chercheur découvrit en effet dans les archives de famille d'un ancien Bernadin de Lucelle un parchemin de petit format, muni du sceau d'Ulrich 1er, comte de Ferrette. C'était la confession de mort du comte, datée du 31 janvier 1275. Un remord tardif avait saisi Ulrich au moment où il allait rendre ses comptes à Dieu: il s'avoua l'auteur du parricide. En 1271 Ulrich est forcé de vendre (entre autres) à l'évêché de Bâle le château et la ville de Ferrette. Ulrich devient ainsi le vassal de l'évêque de Bâle, et est investi de la charge de landvogt de la Haute Alsace, dignité qui échoit également à son fils Thiébaut, qui lui succéde comme chef du comté. C'est pendant son administration qu'un édit de l'empereur Rodolphe introduit l'usage de la langue allemande dans la rédaction des actes publics. Le comte meurt à Bâle en 1310. Son corps est transféré en 1315 dans l'église des cordeliers de Thann. Ulrich III le dernier des comtes de Ferrette succède à son père.

A la mort d'Ulrich III, en 1324, la fille Jeanne de Ferrette , héritière du Comté, épouse l'Archiduc Albert de Habsbourg, dit "le sage". Intégré à l'Autriche le Comté est administré par des administrateurs nommés par les Empereurs. Donné en bailliage aux seigneurs Reich de Reichenstein en 1504, puis aux Fugger d'Augsbourg de 1540 à 1567, le château est transformé en garnison.


Le château est pourvu en 1600 (gravure ci-dessus) de deux entrées, trois cours et trois corps de bâtiments, lesquels sont disposés comme suit: Le premier, nommé "l'Oberschloss" ou château supérieur, renferme six salles et onze chambres, cuisine, cabinet de bain et caves. Pour arriver à ce château, il existe un chemin en spirale que l'on peut parcourir soit à cheval soit en voiture.
Le second bâtiment s'appelle la maison du bailli: il renferme quatre salles, sept chambres, deux cuisines, une écurie pour y loger trois chevaux, une cave, une chambre de bains et de plus des greniers pour y loger 1000 rézaux de grains. Ce bâtiment est défendu par un bastion au-dessous duquel il existe deux cachots.
Le troisième, connu sous le nom de maison des chevaliers, n'a qu'une salle et une chambre sur lesquelles se trouvent les greniers capables de contenir 500 rézaux de grains.
Dans le château supérieur il existe un puit pourvu d'excellente eau vive et taillé dans le roc à une profondeur de cent quinze loise (60 m): on y puise l'eau au moyen de deux sceaux en cuivre dont chacun contient une mesure et demie et qui sont fixés à une grosse et forte chaîne de fer.
Il existe de plus dans le château dit supérieur une chapelle dédiée à la vénérable vierge Sainte Catherine et qui n'est pourvue que d'un calice et de quelques mauvais ornements. Un prêtre ou le curé de Ferrette a le droit de jouir des rentes affectées à cette chapelle à charge de la desservir.
Le dit château est entouré d'un mur flanqué de tours et de bastions, de manière à pouvoir s'y défendre pendant quelques temps en cas de siège; il s'y trouve également, comme munition de guerre, douze petits canons sur affûts et roues, dont six d'une beauté remarquable, ont été envoyés par les Fugger d'Augsbourg, avec douze caissons de poudre et les boulets, ainsi que seize crochets doubles, vingt hallebardes, autant de mousquets à double canon et quelques provisions de poudre.
Le château occupé par les troupes suédoises en 1633, est pris d'assaut lors d'une insurrection du peuple des campagnes fatigué du lourd impôt de la guerre et voyant dans les Suédois plutôt des oppresseurs que des soldats de la civilisation moderne. Ferrette tombe entre les mains des insurgés et devient le théâtre de scènes affreuses. Le lieutenant colonel d'Erlach qui commande le poste suédois est précipité des fenêtres du château et ses restes mutilés sont promenés comme un horrible trophée jusqu'à Altkirch...
Incendié par les Français en 1635, l'ensemble castral est ruiné après la guerre de Trente Ans. Le château supérieur est si gravement endommagé qu'il ne sera pas reconstruit. Seul le château du bas sera restauré par ses nouveaux maîtres. En 1644, au traité de Munster en Wesphalie, l'Empereur d'Autriche cède le comté de Ferrette au Roi de France Louis XIV, lui même en fait don à son ministre Mazarin. Celui-ci l'offre à sa nièce dont le mari prend les Titres de Duc de Mazarin et comte de Ferrette, titres qu'il transmet à ses héritiers... Actuellement le titre de comte de Ferrette est porté par S.A.S le prince de Monaco.
Le château du bas du type Renaissance, fortifié à 4 tours, qui date de la fin du XV siècle (la résidence du bailli) est détruit pendant la Grande Peur, le 29 juillet 1789, par les paysans en révolte venus de la vallée de Saint-Amarin. Il est vendu à des bourgeois locaux en 1798, puis à la famille d'industriels Zuber. Ses ruines sont entretenues et consolidées avec l'aide financière de la ville de Ferrette, du Département du Haut-Rhin et des Services des Bâtiments de France.

















Durmenach
[1] Charles GOUTZWILLER, "Le Comté de Ferrette", (1868). Réédité par M. G. MICBERTH, "Monographies des villes et villages de France: Ferrette et ses environs", Res Universis, Paris, 1990.
[2] Le Patrimoine des Communes du Haut-Rhin, Editions Flohic, 1998.
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